Ni chaud, ni froid. Le vent est doux. A croire que la météo est bienveillante. Longtemps, je me suis laissé aller à la folie de penser que tout pourrait avoir une fin, une conclusion qui mènerait à la libération. Mais cette fois encore, mon heure n'est pas venu. L'impression qu'elle ne viendra jamais est de plus en plus forte, comme la certitude de la chute lorsque le vertige nous saisit. Il est encore tôt, quand j'ouvre les yeux.

Le sol est à peine humide, suintant par endroit d'une rosée qui ne transperce plus les pavés depuis des siècles, probablement. Peu d'agitation en cette matinée, trop peu pour troubler mon réveil. Sous mon sugegasa, j'examine la place d'un oeil torve mais averti. Se faire passer pour un va-nu-pied est le moyen le plus efficient d'observer le monde sans que le monde ne daigne vous observer. Le vent est doux. Il souffle sur la place, débarquant des rues spacieuses de la base comme un groupe d'enfants chamailleurs craignant de réveiller les adultes par leurs facéties.

Un sourire esquinte mon visage. Voilà que je me mets à faire de la poésie. Ridicule. Avec un flegme calculé, je replace mon sugegasa, remonte mes vêtements sur mes épaules et, l'air maussade, ferme les yeux pour mieux écouter. Adossé contre une bâtisse froide et géométrique, assis à même le sol, je suis de toute évidence invisible. Rien ne se passe. Le monde est comme en suspens. Mis à part la soldate qui fait - seule ? - sa ronde, l'animation et la vie semblent avoir déserté le monde...