Tout était sombre autour de moi. Tout n'était que ténèbres. Une pénombre si oppressante que j'en avais du mal à respirer. L'impression que l'obscurité autour de moi s'infiltrait dans mes poumons, ce même sentiment qu'un noyé éprouve quelques secondes avant l'inspiration fatale au fin fond d'un océan inconnu se sachant déjà perdu, je le ressentais en ce moment même au milieu de cette dimension totalement vide. Ce qui me sembla être une éternité ne se révéla être qu'une fraction infime de temps, mais ma perception des choses avait été altérée dès l'entrée dans ce mystérieux vortex. Un trajet quasi instantané s'était transformé en un voyage à l'horizon infini de l'univers. Alors qu'enfin je me résolvais à mourir ici, une lumière forte envahit l'espace autour de moi, chassant les ténèbres. Un flash si aveuglant qu'il me força à fermer les yeux. Puis tout se succéda brutalement : l'impression d'être soudainement tiré en dehors de cette masse obscure, l'impression de revivre alors que mes fonctions organiques reprenaient leur cours puis le froid, un froid mordant qui m'envahit en quelques secondes.
La première chose que je ressentis arrivé dans ce nouveau monde se fut ce froid qui s'insinuait en moi de toute part, mais plus particulièrement par ma joue et toute la partie avant de mon corps à dire vrai, comme si je reposais sur un glaçon. Lorsque mes yeux s'ouvrirent enfin, ce fut pour se refermer aussitôt. La tempête de neige qui s'abattait dehors m'empêchait de les garder grand ouvert. Les plissant alors pour ne garder comme ouverture qu'une minuscule fente, je jetai un regard aux alentours. J'étais allongé au beau milieu de ce qui me semblait être une plaine, une plaine recouverte d'un linceul blanc. Autour de moi le monde semblait en ébullition. D'épais flocons de neige virevoltaient dans les airs, charriés par le vent ils cinglaient mon visage. Ma mâchoire se mit brusquement à trembler et mes dents s'entrechoquèrent lamentablement. Le froid s'était infiltré au plus profond de moi, si profond que je commençai à perdre toute sensation dans les mains, si je restais là encore longtemps, je ne survivrais pas. Plaçant mes mains au niveau de ma poitrine, je forçai sur mes bras pour me relever. L'acte fut pénible, j'avais l'impression d'avoir perdu toute ma force comme si j'étais resté allongé sur un lit pendant plusieurs mois sans pouvoir bouger, comme si ce corps ne m'appartenait pas, c'était étrange.
Titubant, je me frayai un passage à travers cet épais rideau de neige. Mes jambes étaient endolories par la froideur environnante rendant ma démarche incertaine, je manquais de chuter à chaque nouveau pas effectué. Soudainement, une tâche sombre se dessina à travers la tempête de neige. Une forme reposait sur la neige, immobile, piégée dans la tempête. Prudent, je fis quelques pas dans sa direction juste assez pour que la forme gagne des contours distincts et que je la reconnaisse aisément : Gaïa. Un sentiment de joie m'envahit à la suite de cette vision. Je n'étais pas seule dans ce nouveau monde, celle qui partageait ma vie depuis bientôt six longues années avaient elle aussi été happée par ce vortex et envoyée ici. J'accélérai le pas, pressé de rejoindre mon animal – si je pouvais l'appeler comme ça – favori. Mais à quelques mètres d'elle, je perdis l'équilibre et m'étalai de tout mon long dans la neige. Les contours de ma vue s'obscurcirent progressivement alors qu'une envie irrésistible de dormir m'envahit. Ma vue devint de plus en plus noire puis plus rien, plus aucun sensation, plus aucun bruit juste le néant total.