Cela faisait des heures que je marchais, mes pas écrasaient la neige sous mes pieds, mais ce bruit était couvert par le blizzard qui sévissait sur ces terres gelées. Un monde de blanc et d'obscurité s'étendait à perte de vue, rien pour se diriger, aucun point de repère. Se perdre ici était d'une facilité déconcertante et j'aurais mieux fait d'attendre que la tempête cesse, mais je continuais d'avancer, mes mains enfouies dans la fourrure de ma renarde. Je marchai ce qui me sembla être des heures, mais les nuages noirs qui obscurcissaient le ciel et dissimulaient le soleil ne m'aidait pas à me donner une quelconque notion du temps qui s'écoulait. Un frisson parcourut mon échine lorsqu'une bourrasque plus violente que les précédente s'engouffra dans mes vêtements, emmenant avec elle de légers flocons de neige qui vinrent se coller à ma peau et la refroidir plus que nécessaire. Froid. Toujours ce même froid depuis que j'étais arrivé dans ce monde. De là où je venais, les températures étaient bien plus estivales et surtout supportables. Mes lèvres s'étirèrent en un léger sourire, c'était la première fois que je pensais à mon monde d'origine. Comme quoi, bien que ce monde ci me semblait pour le moins inhospitalier pour l'instant, je n'avais pas de réel désir de retourner dans mon ancien monde, aucun lien ne m'y obligeait je les avais déjà tous rompus il y a de celà plusieurs années.

"Fais attentio..." m'avertit Gaïa

Mais je ne fis guère attention à son avertissement, trop perdu dans mes souvenirs. Une masse sombre fit irruption dans mon champ de vision et une brusque douleur à la tête me ramena à la réalité. Désorienté par le choc, mes pas se firent incertains et je m'effondrai dans la neige à quelques centimètres de l'arbre dans lequel j'étais rentré dedans. Je restai un moment allongé dans la neige, un liquide chaud et carmin s'écoulant de mon nez dont la douleur aigüe avait été vite apaisée par le froid mordant. C'était bien la première fois que ces températures glaciales se révélaient être utiles. Je fermai les yeux, soupirai un bon coup et entrepris de me relever. Posant ma main dans la fourrure de Gaïa, je me servis de son dos comme d'une aide pour me remettre debout et reprendre la marche. Jetant un regard autour de moi je ne vis aucun autre de ses congénères. Il était là. Seul. Se dressant fièrement contre les éléments. Ses longues branches décharnées semblaient s'étirer vers le ciel dans le but d'éventrer ces nuages noirs. La scène était belle, cet arbre avait lui aussi une sorte de beauté, mais je ne pouvais rester là à le contempler indéfiniment si je ne voulais pas finir réduit à un état de congélation avancé.

Je repris donc ma marche, mes mains toujours collées contre le radiateur ambulant qui me servait de compagnon. Une heure voire deux heures, peut-être, s'écoulèrent et le climat se vit de plus en plus doux, les flocons tombèrent de moins en moins pour finalement rester confinés dans ces masses filandreuses qui peuplaient le ciel. Ces mêmes nuages se firent eux aussi de plus en plus rares et virèrent à un gris moins soutenu. À l'horizon, ce qui me sembla être une ville se dessina lentement. Heureux de trouver une civilisation dans ce nouveau monde, j'accélérai le pas et gagna la ville assez rapidement. À peine eus-je posé un pied dans ce qui se révélera plus tard s'appeler Drakkfrij que je sentis les regards de plusieurs personnes converger vers moi et ne pas me lâcher d'une semelle. C'était une sensation bien désagréable que de se sentir épier de la sorte, comme si je n'avais rien à faire ici. Enfin ... Je n'avais que faire de leur regard, tout ce que je désirai en cet instant était un repas, un repas chaud. Mais avant tout ceci, il me fallait trouver un magasin d'antiquité ou autre établissement spécialisé dans le rachat.

Une fois deux babioles que j'avais emporté avec moi vendues contre quelques Dévas, mes pas me menèrent étonnamment dans une des auberges de la ville. Lorsque je poussais la porte de l'auberge, un courant d'air chaud s'échappa et le bruit des conversations me parvint. Rasséréné d'être visiblement tombé dans une auberge des plus lambdas, je m'affalai à la première table venue sans même me préoccupé de sa disponibilité, fourbu de toute cette marche dans ce froid glacial. Gaïa me suivait de près, quasiment collée à mes jambes, elle s'installa derrière moi et se coucha contre le mur de l'auberge. Relevant la tête du plateau de bois sur laquelle elle reposait, je jetai un regard aux tables voisines pour m'apercevoir que quelqu'un d'autre occupait déjà la table que je venais de squatter. Me redressant brutalement, je lui adressai un bref sourire.

"Oh désolé, je n'avais pas vu que la table est occupée. Si je vous dérange, je peux prendre une autre tab..."

Je me tus un instant pour apercevoir qu'aucune autre table n'était disponible.

"Si une table se libère ..." finis-je par dire en soupirant.

Ce fut un véritable soulagement que de l'entendre me dire qu'il n'y avait aucun problème à partager la table avec lui. Pour ne pas mentir, s'il m'avait demandé de quitter sa table je ne savais pas ce que j'aurai fait. Toutes les autres tables étaient prises et mes jambes n'avaient plus la force de me porter jusqu'à une autre taverne même si cette dernière se trouvait à deux mètres. Je croyais bien que même me relever m'était impossible à l'heure actuelle. Mon estomac vide me rappela subitement à l'ordre, se tordant à l'intérieur de mon corps.

L'homme avec qui je partageais la table engagea la conversation. Depuis combien de temps j'errai dans ce nouveau monde ? Suite à mon inconscience et au blizzard perpétuel qui sévissait, mes repères chronologique en avaient pris un coup. Me basant sur le fait que j'avais dû marcher seulement quelques heures et n'être resté inconscient pas plus d'une demie-journée ... Un jour se serait écoulé depuis mon arrivée par cet étrange vortex.

"Hum ... Plus d'une demie-journée, mais moins d'une journée entière ... et toi ?"

C'était une réponse assez vague que je venais de donner, mais je ne pouvais faire plus précis malheureusement.

"Ça ne te dérange pas si je commande quelque chose à manger et à boire avant que tu ne me répondes ?" m'empressai-je d'ajouter.

Mon estomac ne cessant de me rappeler à l'ordre, je n'avais actuellement qu'une seule envie, manger, manger et manger.. et boire accessoirement. Au vu des bouquets de senteurs qui flottaient dans les airs, les repas ici devaient être bons et j'en salivais déjà.