J’ai passé tant de temps à rôder en Horizon, voyageant à travers toutes les régions civilisées de ce continent pour en cartographier les moindres recoins. Rencontrant de nombreux villageois sur ma route et autres mercenaires. Tantôt coopératifs et chaleureux, tantôt hostiles, j’ai pris de nombreux risques au cours de cette période, seule avec mon loup en reconnaissance, survolant ce patchwork illogique de terres, ruines, montagnes, banquises et autres éléments naturels formant tous ensemble un monde où vivre. Mon objectif n’a pas changé pour autant, et le temps n’a que renforcé mes convictions lorsque la crainte m’eut gagnée pendant un moment.

J’ai paniqué à ce moment précis où mes cheveux ont commencé à se décolorer, perdant les teintes si propres aux elfes de mon monde. J’ai cru tout perdre, tout espoir de retrouver Köinzell, mais aussi sa force et ainsi tout ce qui me permettait d’être utile ici-bas. J’ai vite compris que c’était alors tout le contraire qui se produisait, ma coloration n’était qu’une sorte de réaction au sang étranger, et mes plumes un rejet. Désormais, mon corps a totalement assimilé ce sang et les gênes qui y circulaient, s’entremêlant avec les miennes. J’ai en quelques sorte muté et seules ces deux mèches blanches et les quelques plumes qui couvrent mes cicatrices me rattachent encore à mon passé et me rappellent que tout n’est pas perdu.

Je sais ainsi que tout ce temps passé à survoler Horizon n’a pas été vain, que cela servira et que chaque faille que j’ai pu repérer représentait une porte de sortie. Durant mon long voyage, je suis bien sûr passée par les terres glaciales de Célestii pour récolter diverses informations auprès des gardiens, nos plus précieux alliés pour empêcher les conquérants de nuire mais aussi nos pires ennemis quand il s’agit pour nous, vertueux, de fuir. Mais c’était assez vain puisqu’aucune de leurs connaissances ne m’a été livrée, il est pourtant évident qu’ils en savent bien plus qu’ils ne veulent le faire croire.

Enfin, ce voyage m’a permis de discerner un tout autre danger. Rift courrait à sa perte, baignant dans un miasme obscur, essence vitale de quelques démons, que seuls quelques valeureux aventuriers osèrent défier, tentant de remonter à sa source. J’ai pu tout observer d’où j’étais et le mal qui rongeait ces terres a été temporairement repoussé à travers l’extermination de ces singes étranges, quelque chose de plus grand se trame, comme en a témoigné ce terrible rugissement qui a percé les cieux, un danger guette le nouveau monde, et ce n’est qu’en unissant nos forces que nous le repousserons. Pour l’heure, ces héros méconnus se sont dispersés aux quatre coins du monde. Je n’ai pas perdu leur trace, bien au contraire, l’un d’eux a même particulièrement attiré mon attention. Je l’ai entendue, aussi haut que je puisse me trouver à cet instant, j’ai entendu cette archère masquée. Non pas sa voix, mais son cœur. Il me faudra la retrouver, le doute n’est pas permis en ces temps de crise. Alliée ou ennemie, je dois écarter cette incertitude et être sûre que c’est bien les sentiments d’une elfe que j’ai ressenti à ce moment précis.

Cette longue période hors de mon bastion ne s’est pas pour autant résumée à un simple tour d’horizon mais fut l’occasion pour mon loup et moi de nous entraîner, combattre, renforcer le lien qui unit nos cœur et ainsi affuter notre travail d’équipe. Une confiance sans faille est née entre nous. L’objet de ce long périple touche alors à sa fin, un retour aux sources se trouve alors nécessaire, c’est ainsi comme dans une sorte de pèlerinage que je m’en retourne à Rift comme point de départ. Saluant au passage les habitants et les invitant à rester humble suite à toutes leurs courbettes et leurs acclamations, je n’ai rien d’héroïque, je n’ai fait qu’agir comme Köinzell l’aurait fait, guidant le peuple vers un endroit sûr qu’est Yaga. Seuls les quelques mercenaires présents se refusent à s’abaisser devant moi, il faut dire que je ne suis probablement qu’une gamine à leurs yeux. Le temps passe mais mon physique ne m’aide pas réellement à gagner en crédibilité face aux anciens, bien que cela ne m’atteigne nullement. Je passe alors mon chemin, me contentant de plonger mon regard dans le regard défiant de quelques-uns, calmant ainsi vite le jeu pensais-je… Que nenni, l’un s’interposa en travers de ma route et commença à parler, mon visage affichait une expression totalement neutre quand je relevai la tête pour voir à quoi ressemblait mon obstacle de près de 2 têtes plus grand que moi.

« Puis-je passer ? »

Dis-je calmement pendant que mon loup furetait sur les toits, prêt à agir si nécessaire ou si je lui demandais. J’attends alors ma réponse, sans bouger d’un pouce, la tension était palpable et la brume noire qui s’échappait toujours très légèrement de la faille n’aidait pas à apaiser les mœurs.