Le combat était intense, les légions de démons du Warp étaient partout, mes compagnons mourraient les uns après les autres. Le combat était perdu, et la fuite n’était pas envisageable : piégés dans notre propre vaisseau, notre foyer qui devient notre tombeau… Quelle ironie… Mais je n’avais pas l’intention de baisser les bras, moi et les collègues du poste de commande nous battions de toute nos force, si bien que pendant un moment il m’a semblé qu’on pouvait les contenir. Le capitaine du vaisseau me prit par le bras et m’ordonna de nous sortir de ce foutoir :

- Navigator ! Sors-nous de là bordel, c’est ton job, on te paye pas pour danser la valse avec les démons ! (il se retourna vers le timonier) Vire de cap, on se tire d’ici ! (il prit le technicien en chef par le col) Toi là, t’as intérêt à avoir une foutue bonne exc…

Il n’a jamais fini sa phrase, Les machines explosèrent, et le souffle le démembra, c’était plus qu’un tas de chair brûlée. Les machines s’affolaient, presque tout était HS, les quelques appareils qui restaient ne faisaient que confirmer qu’on courrait à notre perte. A grand coup de lame et tirs de Bolter, je me frayai un chemin jusqu’à la passerelle, et là, je vis un phénomène bien étrange. Un vortex, pas une tempête de Warp, un vortex. Mais il était trop tard pour virer de côté, le vaisseau s’engouffra dedans en un clin d’œil. Tout explosai de partout, tout allait trop vite, je perdis connaissance durant les quelques secondes qui suivirent.

Lorsque je repris conscience, j’étais allongé par terre, sur l’herbe, des débris de ce qui devait être le vaisseau éparpillé partout autour. Je me sentais bizarrement mal, comme un lendemain de cuite, sauf que ce n’était pas trop la gueule de bois qui me prenait, et j’étais presque sobre hier, ou avant-hier, enfin… Je ne sais pas trop combien de temps je suis resté là… Je me relevai en pestant, contre qui ? Tout le monde, en particulier cet empereur de mes deux qui soit disant nous guide et nous protège. Mon cul ouais, il était où quand on se faisait égorgés par dizaines ? Bref, après avoir juré de toutes mes forces, je me mis en route. Le métier m’aura bien appris qu’il faut par rester trop longtemps au même endroit. D’une on sait jamais quel genre de bestiaux rôdent dans le coin, et de deux au bout d’un moment faut bouger parce qu’il y a plus d’alcool.

Parlant d’alcool, j’vais bientôt tomber à cours, ch’ais pas trop où ch’uis tombé, mais j’espère bien y trouver d’la bibine, sinon j’finirai desséché en moins d’une semaine. J’utilisai donc mon troisième œil pour sonder le Warp… Mais étrangement mes pouvoirs semblaient mollassons, comme quand j’ai appris à m’en servir… Bref, au final c’était quand même suffisant pour trouver une route, et, si y’a une route, elle doit bien mener quelque part.

Comme je le pensais, ça menait bien quelque part, une grande ville, comme celles qu’on trouve sur les mondes féodaux… On trouve généralement plusieurs tavernes dans ces endroits là… J’ai plus qu’à me saouler un bon coup, ensuite je file au spatioport. Bon, les ruelles étaient vraiment bondées, pas moyen de trouver l’auberge, c’est tellement mal foutu ces villes franchement. Au moins, c’était une ville humaine, si j’étais tombé sur des Xénos je n’aurai pas donné cher de ma peau. Décidément, Quelle semaine de merde.

Nightswift Yoru a quitté la petite ferme depuis plusieurs heures déjà, le voilà avançant, solitaire, son manteau et ses cheveux dansants au gré du vent. Il avance sur la route qu'on lui a indiquée et bientôt, le jeune homme sera à Fushia, capitale des Conquérants.

Tap. Tap. Tap.

C’est l’air impassible et calme que Yoru marche sur le chemin qui le mènera à Fushia, il ne dit pas un mot, tout semble aller. Avant son départ, on l’a servi et il a correctement mangé, il n’a pas oublié de nettoyer son épée et a pris soin de noter sur un petit papier les indications de ses hôtes. Au bout de quelques minutes, le jeune homme commence enfin à sentir l’approche de la capitale : « ! » L’afflux de personne croît soudainement, il est un peu perturbé… Il tente tout de même de passer inaperçu, malgré son épée lourde et son long manteau bleu. Il avance finalement, puis lève brièvement les yeux « ?! » Il est immédiatement frappé par la majestuosité de la cité…! Fushia en impose…

« Wow… »

Il reste un moment, contemplatif, devant cette architecture disproportionnée, énorme... Les passants l’évitent, un peu agacés. Ses yeux brillent, il ne bouge pas… Tout ça a-t-il une chance d’être à lui, un jour…? Il ne sait pas encore qui dirige ce pays… Mais il en sera Roi… Il en a encore plus envie… Smile. Yoru Shiffer : Roi des Conquérants ! …Il se fait rentrer dedans par un enfant, puis baisse la tête, le visage dur.

« Fais attention où tu vas p’tit. »

L’enfant s’excuse, l’air gêné, puis s’en va en courant. Le ténébreux ne lui demande pas plus de compte et avance en direction de la capitale. Les rues sont espacées et même si les passants sont nombreux, on a encore l’espace pour respirer et marcher sans trop de peine. À part lui, personne ne passe son temps à regarder à droite et à gauche, Shiffer semble s’étonner de tout, comme un enfant dans un magasin de jouet. Il va rencontrer le dirigeant… Et le défier. Un homme aux cheveux blancs, semble Engagé à la capitale de par sa carrure. Yoru s’en approche et sans gêne, il tapote son épaule avec sa main, puis demande :

« Dites-moi, vous savez où est la demeure du dirigeant ? »

Les gens ici n’étaient vraiment pas gênés, les jeunes bousculaient les anciens à tout bout de champ. Ils m’ont vite mis en rogne ces petits salopards, j’en choppai un par le col pis je lui appris comment la vie était injuste et cruelle, il a payé pour tous. Quelques gnons suffirent à lui refaire le portrait, le voilà qui couraient dans les jupons d’sa mère la queue entre les jambes. Vu la tronche qu’il tirait, elle risque fort de plus le reconnaitre le fiston.

Comme on dit, cognes-en un et y’en a dix qui reviennent, ou quelque chose comme ça je sais plus trop. Ce n’est pas parce que j’en ai défoncé un que les autres s’arrêtent, et voilà que ça recommence, ça bouscule et ça bouscule encore plus. Bon, ben il me restait plus qu’à me frayait mon chemin comme ces crétins le faisaient, à coup de coude et de jurons en bas gothique, ils seraient surpris de savoir quel vocabulaire un vieillard comme moi peut encore sortir à son âge.

Visiblement, mes injures en choquaient plus d’un, qui semblaient plus surpris par le ton que par le mot en lui-même, on dirait que personne ne comprends mon bas gothique ici. Et c’est tant mieux, au moins maintenant on m’éviter au lieu de me rentrer dedans. Bref, avec tout ça, je savais plus où j’étais, et toujours pas de bar ou de spatioport en vue.

Ainsi, à mesure que je marchais, je n’avais plus vraiment besoin de jurer, il y avait maintenant plus de place, et moins de monde, la circulation était bien moins pénible. Seulement, je n’étais pas encore sorti de l’auberge, un jeunot pas gêné tapota mon épaule.

« Dites-moi, vous savez où est la demeure du dirigeant ? »

« J’ai l’air de l’savoir peut être ? Ça doit être la plus grosse, la plus riche comme toujours. »

N’empêche, ce jeune avait tout de même l’air étrange. Sa démarche, son accent, il avait pas l’air du coin, mais alors pas du tout. Pour qu’il m’approche même avec mon aura nauséabonde de Navigator, c’était étrange. D’habitude, on se méfie tout de même un peu de moi, surtout avec mon troisième œil, mais peut-être ne l’avait-il pas vu. Un simple sondage du Warp me permit de voir qu’il n’était pas normal.

« Mais dis-moi, t’as pas trop l’air du coin toi non plus ? Tu sais, y’a peut-être moyen de s’entre-aider dans ce cas… *soupir* Enfin, après m’être hydrater un peu, tu sais quel genre d’alcool ils servent dans le coin par hasard ? »

L’homme se retourne sèchement, et machinalement, le regard de Yoru se porte sur son visage « ! » Les yeux du garçon s’écarquillent légèrement : Sur le front de son interlocuteur, un troisième œil trône, presque comme… Une tâche... Cette caractéristique rappela au jeune homme un autre personnage de manga, parmi ceux qu'il lisait plus jeune. Yoru avait à faire à un vieil homme, qui avait plus de la soixantaine à première vue, c'était ses cheveux blancs et ses rides qui proposaient cette conjecture. D'une voix rauque, il dit bruyamment :

« J’ai l’air de l’savoir peut être ? Ça doit être la plus grosse, la plus riche comme toujours. »

Un peu distrait par son physique, le jeune homme ne prêta qu'une attention partielle à la réponse qu'il venait d'obtenir.

« O-Ouais... »

La voix ferme du vieil homme le tira, cette fois complètement de son dévisagement enfantin.

« Mais dis-moi, t’as pas trop l’air du coin toi non plus ? Tu sais, y’a peut-être moyen de s’entre-aider dans ce cas… Il entrecoupa sa phrase d'un bref soupir ; Enfin, après m’être hydraté un peu, tu sais quel genre d’alcool ils servent dans le coin par hasard ? »

Reprenant son air calme et sérieux, Shiffer répondit, l'air un peu exaspéré :

« Non... Je ne bois pas. Le début de phrase du vieil homme lui revint en tête, et il y répondit ensuite : Je n’ai pas l'air du coin...? C'est vrai. Je ne connais pas les lieux. Et vous alors...? Vous avez un troisième oeil sur le front, et c'est pas commun par ici. »

Les paroles de Nina, la femme qui l’avait accueillie à son arrivée lui revinrent en tête. Ce vieux personnage, avait l’air assez étrange pour provenir d’une Faille et pour éviter les mauvaises surprises, Shiffer s’était mis en tête de les recenser. Il demanda sans plus de manières :

« Vous êtes arrivés par une Faille ? »

Simple Yoru Shiffer.

Le gamin me dévisagea légèrement, le regard fixé sur mon troisième œil, comme si j’avais baigné mon front sur une vieille crotte de chien dégoulinante qui traînait sous le trottoir. C’tait chiant, mais habituel après tout. On a rarement l’habitude de voir des gens à trois yeux, du moins rarement pour le commun des mortels il me semble. Le jeunot semblait bien me prendre pour un vieux, en même temps, quoi de plus normal vu mon physique et ma façon de parler. C’qui m’énerve pas mal quand quelqu’un fixe mon troisième œil comme ça pour la première fois, c’est qu’après il écoute à peine c’que je dis, comme s’il s’en tamponnait l’oreille avec une babouche. Le fait que je hausse un peu la voix sembla le tirer de cette espèce de stase, plus ou moins brusquement. Il reprit son calme avant de me répondre de façon bien plus concentrée et sérieuse.

- Non... Je ne bois pas.

(J’interrompis son discours le temps d’une brève complainte)

- C’est bien dommage parce que moi oui, et je vais pas tenir longtemps assoiffé comme ça…


Il poursuivit ensuite, l’air interrogatif :

- Je n’ai pas l'air du coin...? C'est vrai. Je ne connais pas les lieux. Et vous alors...? Vous avez un troisième oeil sur le front, et c'est pas commun par ici.

- Bah, c’est vrai que j’dois sortir de l’ordinaire, mais c’est souvent comme ça, y’a toujours une personne ou deux pour se démarquer parmi le flot de moutons habituels. M’enfin, j’ai pas encore vu de prêtre ou d’inquisiteur par ici, comment ça se fait qu’on vous emmerde si peu avec les trucs d’Empereur et tout l’bordel ? Et pis, z’avez pas d’Navigator dans l’coin ?


Sa dernière question m’intrigua un poil plus que les autres, nan, un bonne touffe de poils plus en fait.

- Vous êtes arrivés par une Faille ?

- Une faille, mouais, j’en avais le souvenir d’un bidule dans l’genre, mais j’aurai plutôt dit une anomalie de l’Immatérium mêlée à une bonne vieille tempête du Warp… Pourquoi, y’a un truc que j’devrai savoir ?

Le p’tit gars me regardait comme on regarde un drag queen qui débarque pendant une importante réunion. Il pigeait rien à ce que j’disais, ça c’est sur vu la tête qu’il tirait. Ça m’donnait juste envie d’en rajouter, mais j’avais pas qu’ça à foutre, loin de là. Une bonne chope m’attend dans un bar du coin, j’en ai la certitude. Après un bon gros soupir qui me prouva l’intérêt du jeunot pour ce que je disais, j’étais plus que sur que cette conversation n’avait que trop duré, pis moi aussi je commençais sérieusement à en avoir marre, mais vraiment. Justement, le petiot me tendit la main, surement pour me dire au revoir.

Bon, excusez-moi, mais je dois continuer ma route… Ce fut un plaisir

Après une courte hésitation, je me décidai à lui serrer la main pour pas lui foutre un vent, après tout, il semble dans une galère bien similaire à la mienne.

Euh, ouaip, un plaisir…

Là, surprise, il en avait dans les bras ! J’me défendais pas mal à c’niveau, mais c’était quand même une sacrée surprise. Je retirai donc ma main assez vite, pas trop non plus.

Shiffer

Sûrement son nom, il doit s’attendre à avoir le mien, bof, autant le lui donner après tout, c’est pas un secret d’état.

Rey’a’Nor, dis donc, t’en as dans les bras on dirait, si on s’retrouve un jour, j’pense qu’en bras de fer s’impose !

Je finis ma phrase par un court rire sonore, puis m’en alla, poursuivant ma route sur les traces de l’alcool et tournant le dos à cet intriguant p’tit bonhomme. Quelque pas plus loin, je me retournai vers lui, lui lançant quelques mots en pointant mon troisième œil de l’index droit.

Oh, j’oubliais… N’oublies jamais de bien surveiller le Warp petit, ses démons sont partout, tu peux me croire…

Ceci fait, je repris ma route, ayant en tête la certitude que nos chemins se recroiseront. Le destin les a probablement tissé d’une étrange façon, car je sentais quelque chose en lui… quelque chose, mais quoi ? Les abysses ne m’en disent pas long…