Enfin libre, enfin sortie de cette forêt qui n’avait eu de cesse que de la prendre pour son engrais du matin. Enfin matin, c’était vite dit car à en juger par l’inclinaison du soleil dans le ciel, le jour déclinait déjà. Certes l’astre solaire brillait encore dans son entièreté, mais il ne tarderait plus à venir rejoindre la ligne d’’horizon et à s’y glisser derrière. L’absence de nuage dans le ciel laissait présager une nuit des plus fraiches, Feyrine ignorait encore où elle passerait cette dernière mais dans tous les cas, ce ne serait pas en compagnie d’Ato. Toujours cramponnée à cette dernière, Feyrine commençait à se lasser de sa présence, elle la trouvait certes bien sympathique pour une humaine, mais comme à son habitude, à présent que les choses s’étaient calmées, notre petite féline avait envie de changer d’air. Et puis, elle ne pouvait surtout pas supporter l’idée de rester plus longtemps coltinée à ce loup écervelé.

Cela faisait quelques minutes qu’elles n’étaient plus au dessus de la forêt, désormais le danger était bien loin et Feyrine était ravie qu’elles aient laissé derrière elles l’autre énergumène. Ce dernier qui avait finalement pris quand même la peine de se présenter avant leur séparation. Mais même s’il avait pris cette politesse à leur encontre, Feyrine, elle, avait déjà oublié son nom. Preuve indéniable de l’intérêt qu’elle lui portait, il faut dire que ce dernier ne lui avait fait guère grande impression. De ce fait, il avait été selon notre amie bien sage d’éviter de s’encombrer d’un poids pareil. Enfin passons, Feyrine n’était pas prête de le revoir de toute façon. S’agrippant un peu plus à Ato, elle se hissa un peu plus sur cette dernière afin de porter ses lèvres à son oreille. Vu la vitesse avec laquelle elles volaient, c’était là une chose bien nécessaire pour qu’elle puisse se faire parfaitement entendre par la jeune femme.

« Bon je te laisse ici moi, viendrais réclamer ma récompense une autre fois. »

Car oui, Feyrine n’avait pas oublié qu’Ato lui devait au moins une faveur, et dieu seul savait comment Feyrine savait faire grimper les intérêts lorsqu’il s’agissait de lui retourner un service. Bref sur ces quelques mots, Feyrine sauta du dos du loup et se laissa tomber dans le vide. Notre féline avait profité d’un bref moment où le canidé avait réduit l’altitude pour survoler ce qui semblait être un fleuve et du coup peu de temps après son saut, on put entendre un gros plouf signalant son plongeon dans ces eaux d’une quiétude naturelle. Telle était la façon dont elle venait de tirer sa révérence, remontant alors à la surface, Feyrine voyait Ato et son loup s’éloigner de plus en plus, ces derniers n’étaient déjà plus qu’un point dans le ciel.

« Bon, c’est pas tout çà, mais qu’est-ce que je fais à présent ? »

Restant quelques instants à faire la planche au milieu du fleuve, Feyrine profita du fait de se faire bercer par le courant pour réfléchir à la suite. Elle venait d’arriver dans un monde qui lui était complètement inconnu, et après avoir pu expérimenter une partie des richesses et des dangers de ce dernier, il fallait qu’elle se pose sur ses prochaines actions. Son estomac lui apporta alors une réponse des plus simples, et de ce fait sa première priorité fut de trouver de quoi sustenter ce dernier. Fort heureusement, elle se trouvait actuellement dans un véritable garde manger et notre petite furie n’eut qu’à plonger et à user par parcimonie sa magie de l’eau pour amener entre ses griffes et ses crocs plusieurs poissons avec lesquels elle ressortit hors de l’eau sur la rive.

Trempée de la tête au pied, elle ne prit même pas la peine de s’ébrouer et se laissa tomber dans l’herbe assise en tailleur. Coincé entre ses jambes cinq, six poissons se trémoussant désespérément en sentant leur fin arriver pour soulager la faim de notre petite déesse. Il ne lui fallut d’ailleurs pas longtemps pour en engloutir un premier, et le fait qu’il soit cru ne la dérangeait absolument pas. Feyrine était après tout une sauvageonne à la base, certes elle s’était un peu civilisée en fréquentant les hommes, et on ne pouvait changer en quelques années les habitudes de toute une vie. Et bien que pour une fois, notre petite furie n’ennuyait pas son monde, une arrivée indésirable allait la forcer à interrompre son repas.

Feyrine l’avait repéré, oh oui qu’elle l’avait repéré, mais elle se disait que tant qu’il la laissait manger en paix qu’elle pouvait bien ignorer un simple humain comme lui. Mais si notre petite camarade aspirait à la tranquillité, ce nouvel individu ne semblait pas enclin à la lui accorder. Soit, les êtres humains – et surtout les spécimens males – étaient connus comme étant des créatures très limitées à la base. Feyrine savait d’expérience qu’il ne fallait guère s’attendre à grand-chose de leur part, ces derniers avaient en général une vision du monde bien différente de la sienne, et tentaient la plupart du temps en plus de la lui imposer. Franchement qu’est-ce qu’il espérait là avec ces petits bouts de pain ? Est-ce qu’il la prenait pour l’un de leurs animaux de bassecours prêts à becqueter dans le creux de leur main ? Sérieusement ces humains avaient un culot monstre, et le pire c’était qu’ils n’en avaient en général pas conscience. A son grand dam, ils ne mesuraient que très rarement toute l’ampleur de leur bêtise. Heureux étaient les simples d’esprit, c’était bien cela que disait le dicton, mais ici Feyrine aurait sans conteste ajouté en plus : bien chiant sont les simples d’esprit. En effet car c’était qu’il se faisait bien insistant le bougre, à croire qu’il ne savait pas dans quoi il fourrait son nez.

« Est-ce que j’ai l’air d’être perdue !? »

Presqu’offensée par sa question, Feyrine avait haussé le ton et déjà on pouvait voir dans son dos sa longue queue fouetter l’air et l’herbe derrière elle. Certes elle n’avait aucune idée de l’endroit où elle se trouvait actuellement, mais elle savait pertinemment où est-ce qu’elle désirait se rendre. Dès lors partant de cette constatation, il était impensable que Feyrine s’estime perdue, notre camarade avait bien trop de fierté pour exposer ainsi une quelconque faiblesse à un frêle humain. Enfin frêle, Feyrine parlait de la race en général, car l’autre gugusse là était bien grand, presque deux fois sa taille. Mais s’il croyait l’intimider grâce à çà, il se trompait lourdement. Après tout Feyrine était du genre à aller affronter un dragon tête baissée. Bref sur ces simples paroles échangées, la tension venait de monter d’un cran, et comme d’habitude, une fois lancée, il était difficile d’arrêter une petite furie comme elle.

« Et puis qu’est-ce que tu espères avec tes petits pains moisis et ton eau ? Je sais me débrouiller toute seule, je n’ai pas besoin qu’on s’occupe de moi. »

Et alors qu’elle se lançait dans une ribambelle de reproches, Feyrine venait de saisir l’un des pains mis à sa portée. Et tout en alternant entre bouchées de poissons et bouchées de pains, elle poursuivait sur un même rythme sa sérénade de grossièretés rendues incompréhensibles par sa bouche pleine. Bon il lui restait tout au plus deux poissons à finir, avec les quatre déjà engloutis et le pain de cet inconnu, cela lui faisait de quoi satisfaire son estomac pour quelques heures. Mais bien qu’elle savourait le présent, notre petite chatte était bien trop fière pour l’admettre, d’ailleurs la contradiction entre ses dires et ses gestes étaient des plus flagrantes et déconcertantes. Quoi qu’il en soit, après avoir presqu’englouti tout ce qui était mangeable autour d’elle, Feyrine finit par adresser un nouveau regard inquisiteur à l’homme resté planté à ses côtés.

« Bon, tu vas me dire ce que tu me veux à la fin ? »

Bah oui, qu’il lui crache le morceau enfin, Feyrine n’avait jamais vu un humain faire preuve d’une générosité gratuite. Feyrine savait ces créatures cupides et se doutait fort bien qu’il attendait quelque chose en retour de sa part. Bien qu’elle était déjà décidée à ne pas répondre à la faveur qui lui serait sans doute demandée, Feyrine était curieuse d’en connaître la nature. Dès lors bien qu’elle restait campée sur ses positions et sur ses gardes, notre petite déesse témoignait désormais d’un certain intérêt pour son invité.

La ramener dans son lit ? Quel blasphème cela était-il ? Ce n’était plus d’audace, mais tout simplement de folie que faisait preuve cet humain. Sa grande taille ne lui donnait pas tous les droits, Feyrine en avait maté des plus imposants que lui. Il n’y avait décidément pas de limite à la bêtise humaine. Allons bon, voilà qu’à présent ce dernier reniait sa nature humaine, est-ce que Feyrine pouvait déceler dans cette révélation un soupçon d’intelligence ? Hm… Il était encore trop tôt pour se prononcer, la plupart des succès des hommes étaient dus à de la chance, et de la chance uniquement, si çà tombe, ce gars ne réfléchissait même pas à ce qu’il disait. Quoi qu’il en soit, certaines de ses paroles avaient le mérite d’éveiller un tantinet la curiosité de Feyrine. A l’entendre ce dernier avait déjà eu l’occasion de croiser certains de ses semblables, est-ce que cela signifiait qu’elle n’était pas la première à être arrivée dans ce monde ? Si tel était le cas, notre féline était bien curieuse de connaître l’identité de celui ou celle qui avait osé la devancer de la sorte. Mais bon, comme pour le reste, Feyrine savait qu’elle ne devait pas accorder trop de crédit aux dires d’un humain, la plupart du temps ces derniers mentent comme ils respirent. Enfin, il y avait tout de même une chose qui n’était pas mensonge, et c’était toute la nourriture qui lui offrait gracieusement, et devant ses yeux c’était désormais toute une ribambelle de fruits qui n’attendaient que d’être croqués et dévorés goulument.

« Bien que tu sois réellement indifférente à tout ceci, je lui ai promis que si je croisais qui que ce soit qui venait de son peuple, je serais le premier pour offrir assistance. Donc deux choix s’offre à toi. Si tu veux encore manger ce que tu trouve et avoir l'estomac vide, je te retrouverai dans l'au-delà d'ici quelques jours... »

L’au-delà ? Mais qu’est-ce qu’il était entrain de lui baragouiner ? Feyrine était parfaitement capable de survivre seule en pleine nature. Certes ses repas ne se révélaient dès lors plus aussi élaborés que ceux des hommes, mais ce n’était pas pour autant qu’ils en étaient moins nourrissants. Décidément les hommes avaient un de ces égos démesurés, se croire ainsi supérieurs à toutes les autres races, quelle bêtise ! Bref Feyrine n’appréciait vraiment qu’il la croie incapable de survivre seule par ses propres moyens. Toutefois toute la nourriture qui lui était présentée avait le mérite d’atténuer l’irritabilité que ses paroles faisaient naître en elle.

« Mais si je veux tenir cette promesse, alors je veux simplement t'offrir quelques nuits où tu pourras te rafraîchir et profiter de manger quelques repas plus complets que des poissons, du pain et de l'eau... Après, je dois dire que tu es chanceuse d'avoir pêché par ici, car les villageois se plaignait qu'ils manquaient de vivre à force que tout le monde vienne dans ce coin. »

Et bien les villageois n’avaient qu’à s’en prendre à eux-mêmes s’ils n’étaient pas assez doués pour pêcher de simples petits poissons. Voilà encore bien une preuve de la pénibilité des hommes, dès qu’un problème se présentait à eux, ils avaient tendance à rejeter la faute sur les autres et à exagérer considérablement les faits. Quoi qu’il en soit malgré qu’elle n’était pas d’accord avec tout ce qu’il lui avait dit, Feyrine consentait à lui trouver un bon côté : la nourriture qui lui présentait était bonne. D’ailleurs ces fruits ne l’avaient que trop attendue, ce fut alors en ignorant complètement sa main tendue, que notre amie se pencha pour saisir un premier fruit et le croquer. Tout en s’en délectant, Feyrine entendait encore l’autre énergumène lui parler, consentant à l’écouter encore d’une oreille, elle l’entendit se présentait à elle. Au moins le gugusse n’oubliait pas les politesses, notre camarade prit alors le temps d’avaler ce qu’elle avait en bouche pour lui répondre.

« Ce sera Stan, car ton Anomachin c’est moche et trop chiant à retenir. »

Toujours aussi franche dans sa façon de dire les choses, c’était bien là une qualité et un défaut qu’on pouvait lui reconnaître. Par contre pour ce qui était de la politesse, il ne fallait pas trop lui en demander, Feyrine ne se montrait respectueuse qu’envers les personnes qu’elle appréciait et pour le moment cet homme n’avait guère grande valeur à ses yeux. Ce dernier avait toujours sa main tendue vers elle, cette attitude agaça quelque peu notre féline, qui comprit alors ce geste de travers.

« Hé ! Pas question de reprendre tes fruits, tu me les a donnés et je ne partage pas ! »

C’était qu’elle était on ne peut plus sérieuse en disant cela, et aller à l’encontre de ses désirs serait prendre des risques inconsidérés et inutiles. Surtout qu’au final, notre jeune amie était bien encline à accepter sa proposition de plusieurs nuits au chaud agrémentées de multiples repas. Mais malgré cette offre alléchante, Feyrine ne pouvait s’empêcher de suspecter bien d’autres choses derrière tant de générosités.

« Dis, les repas dont tu parles, ils seront vraiment bons ? »

Ah… Aborder Feyrine avec de la nourriture, c’était la prendre par les sentiments. Stan ne le mesurait sûrement pas encore, mais s’il s’était présenté à elle les mains vides, la tournure des évènements auraient pu être toute autre. Quoi qu’il en soit pour le moment, Feyrine restait sur la défensive, les hostilités n’étaient pas encore déclarées, mais il ne suffisait que d’un faux pas pour faire envenimer la présente situation.

Une poignée de main, un signe de confiance ? Et bien raison de plus pour ne pas lui en échanger une, Feyrine ne lui faisait toujours pas confiance et ses longs discours ne l’aidaient pas à la convaincre de se défaire de la méfiance qu’elle éprouvait à son égard. Que du contraire, monopoliser ainsi la parole avec du blabla inutile était le meilleur moyen pour faire en sorte qu’elle vous ignore. En effet dès qu’une chose commençait à l’ennuyer, Feyrine s’en désintéressait tout simplement. Dès lors c’était tout juste à peine si elle écoutait deux, trois mots de ce que Stan lui disait. En somme, son attention était plus tournée vers la nourriture que vers celui qui la lui avait généreusement mise à disposition.

Tout en se remplissant la panse, Feyrine se laissa aller à détailler un peu le physique de son compagnon du moment. Ce fut alors qu’elle remarqua certains traits physiques non attribuables à un simple humain, affutant son regard sur ces derniers, Feyrine trouvait tout d’un coup plus de véracité dans ses dires précédents. Il n’était finalement peut-être pas humain en fin de compte, mais bon même si c’était le cas, la nature n’avait guère su bien le gâter physiquement. Enfin, tout le monde ne pouvait pas être une beauté comme elle. Quoi qu’il en soit, des quelques mots qu’elle avait entendu, Stan était à présent entrain de parler d’oiseaux et d’ours, c’était à n’y rien comprendre. Comment la conversation avait pu dévier de sujet à ce point ? Que c’était ennuyant, et Feyrine n’avait aucune envie de faire le moindre effort pour se montrer attentive et suivre ce qu’il semblait vouloir lui enseigner tel un professeur à son élève.

Bref si cela lui faisait plaisir de parler dans le vide tant mieux, par contre un problème n’allait pas tarder à se poser. Et non, Feyrine ne parlait pas de l’arrivée soudaine dans les environs d’une quinzaine d’hommes dont le bruit de leur marche était parvenue jusqu’à ses oreilles. Non, sa principale préoccupation était qu’elle arrivait bientôt à la fin des généreuses offrandes de Stan. Gourmande comme elle était, manger des mets plus variés et élaborés que de simples poissons crus avaient stimulé son appétit et son envie d’encore plus de délice. Dès lors, lorsque Stan vint à la mettre en garde vis-à-vis de la petite troupe qui approchait, Feyrine l’ignora complètement pour aborder un autre sujet nettement plus prioritaire à ses yeux.

« Stan, y a plus rien à manger. »

Voyant que ce n’était pas vraiment le genre de réponse auquel son camarade s’était attendu, Feyrine consentit à accorder un regard sur ce qui semblait le préoccuper tant. Face à ce qu’elle vit, Feyrine eut une expression complètement blasée jusqu’à ce que finalement son regard se pose sur les oiseaux en cage que transportaient ces trappeurs avec eux. Voyant en ces derniers une probable suite à son repas, Feyrine se leva d’un bond et passa devant Stan, s’exposant sur le coup complètement à toute la petite troupe qui n’eut aucun mal à la repérer.

« Tu penses que leurs oiseaux sont bons à manger ? »

Feyrine semblait complètement inconsciente du danger qui la guettait, mais la vérité était plutôt qu’elle ne considérait pas ces humains lambda comme un danger potentiel. Pour ainsi dire, elle ressentait plus de craintes à l’idée d’être amenée à combattre Stan plutôt qu’à combattre ces mercenaires. Heureusement pour elle, Stan semblait être tout dévoué à elle, dès lors même si elle conservait ses doutes, Feyrine se disait qu’il serait bête de ne pas profiter d’un serviteur si dévoué à sa cause. Ah tiens, on dirait que les hommes en face commençaient à s’organiser, Feyrine en vit d’ailleurs quelques uns partir sur les côtés, visiblement dans le but de les encercler et de leur couper toute échappatoire. Quoi qu’il en soit Feyrine était toujours dans l’estimation de son futur repas.

« Ils n’ont pas l’air d’avoir beaucoup de piafs avec eux... Dis, t’as encore beaucoup à manger chez toi ? »

Parlait-elle sérieusement ? Avec tout ce qu’elle avait déjà ingurgité, elle avait encore faim ? Mais où donc mettait-elle toute cette nourriture ? Quel genre de métabolisme notre petite tigresse avait-elle donc ? Certes, Feyrine avait toujours été une grande mangeuse mais là, c’était tout de même un peu exagéré. L’explication se trouvait sans doute dans le fait que son passage dans le vortex avait épuisé ses réserves magiques, ajouté à cela toutes les mésaventures qu’elle avait vécu jusqu’à présent, il fallait bien que notre petite déesse refasse le plein. D’ailleurs, elle sentait bien qu’actuellement elle avait déjà pu récupérer une partie de ses forces. De quoi faire un bon petit carnage, mais visiblement cette occasion ne lui serait pas accordée tout de suite. Stan semblait vouloir s’en charger lui-même, était-ce parce que c’était un mâle et qu’il souhaitait faire étalage de sa force devant une femelle ? Quoi qu’il en soit, cela arrangeait assez bien Feyrine qui n’avait pas envie de s’ennuyer avec çà.

Oh encore un autre sac de nourriture, mais d’où est-ce qu’il les sortait donc ? S’il était magicien, il aurait pu prendre la peine de le lui dire, mieux encore, il aurait pu prendre la peine de lui apprendre ce tour de magie qui faisait apparaître des sacs de vivre à en veux-tu en voilà ! Mais bon, ayant de nouveau de quoi festoyer gaiement, Feyrine se désintéressa bien vite de tout ce qui ne concernait pas de près ou de loin sa satiété. De ce fait, le fait que Stan lui promette de lui cuisiner ce qu’elle voulait par après ne tomba pas dans l’oreille d’une sourde. Bon ce n’était pas exactement de cette manière là qu’il avait tourné la chose, mais c’était de cette façon là que notre grande gourmande avait compris ses propos. La bouche bien pleine, Feyrine le regarda alors partir au combat, c’était là ma foi une juste répartition des stages : Feyrine mangeait et Stan combattait, un bon travail d’équipe en somme.

« Ah tiens, j’avais jamais goûté un truc comme çà. Je me demande ce que c’est. »

Toutefois Stan n’était plus à ses côtés pour satisfaire sa curiosité, dès lors cette dernière finit comme le reste dans le fin fond de son estomac. Tant que c’était bon, Feyrine se moquait fort bien de savoir ce qu’elle ingurgitait. Stan de son côté, semblait s’être fait pas mal de nouveaux amis, et notre petite camarade pouvait entendre des voix et des cris s’élever au devant d’elle. Feyrine leva alors les yeux et put voir que la plupart des hommes encerclaient Stan, affutant sa vision, elle put déceler déjà quelques corps inertes au pied du combattant à la faux. Et la bouche bien pleine, notre jeune déesse ne put s’empêcher de s’exprimer de vive voix.

« Il n’a pas intérêt à crever, il m’a promis encore plus de nourriture, et je compte bien la manger. *mâche, mâche, avale* J’y pense, Ato aussi m’avait offert de la nourriture. Me rappelle plus quoi par contre, mais me souviens que c’était bon. Je pourrais peut-être lui en redemander comme récompense. »

Et alors qu’elle se laissait aller à ses propres réflexions, une partie des traqueurs avait poursuivi son avancée vers elle. Ces derniers étaient au nombre de quatre, tous équipés d’armes destinées à l’immobiliser sans la blesser plus que nécessaire. L’un d’eux armé d’une arbalète, venait de charger un carreau d’où la pointe semblait enduite d’un étrange liquide brunâtre. Ce simple geste suffit à mettre sur ses gardes notre camarade qui de manière subtile et discrète se mit à concentrer aussi une importante quantité d’air autour d’elle. Si bien que lorsque le carreau fut tiré ce dernier ricocha sur son dôme venteux de façon si subtile qu’il donna l’impression au tireur d’avoir simplement manqué sa cible. Cet acte hostile fait à son encontre suscita l’attention la plus complète de notre amie à ce petit détachement. Le tireur arma rapidement un nouveau carreau, mais ce dernier connut le même sort que le précédent. Devant tant d’impuissance, le quatuor opta pour une autre stratégie, et d’un commun accord ils se ruèrent tout droit sur elle.

« Mais laissez-moi tranquille !!! »

Tout en criant son énervement, Feyrine relâcha tout l’air qu’elle avait concentré autour d’elle. Il s’en suivit alors une onde de choc assez conséquente qui envoya ses ennemis valsés en arrière sur trois, quatre mètres. Deux d’entre eux furent même contraints à un plongeon dans le fleuve. Y a pas à dire, Feyrine se sentait nettement mieux le ventre plein, mais malgré la prouesse qu’elle venait de réaliser, notre camarade sentait bien qu’elle n’avait guère encore récupérer toute sa puissance. Cela aurait été trop beau aussi, il était bien trop optimiste de croire qu’un simple repas pouvait solutionner tout. Quoi qu’il en soit, il semblait que la situation soit revenue sous contrôle, en effet Stan semblait aussi en avoir terminé de son côté.

Il y avait une différence notable entre les actes de Feyrine et ceux de Stan, tous deux avaient certes fait face à leurs ennemis mais à la différence de Stan, Feyrine n’avait ôté aucune vie. Notre jeune amie ne s’était contentée que de repousser ses assaillants, parmi ces derniers, l’un demeurait encore inconscient sur le sol tandis que les trois autres s’étaient carapatés après avoir vu le carnage que Stan avait causé dans leur rang. Ce dernier avait pris la vie de ces gens aussi facilement qu’un poisson pouvait nager dans l’eau. Feyrine n’appréciait pas trop les hommes, c’était là une vérité indéniable, toutefois elle n’en était pas au point de vouloir exterminer cette race qui restait malgré tout la plus divertissante qu’elle connaissait. Et si elle avait déjà ôté la vie à des humains par le passé – et donc de ce fait avant son arrivée dans ce monde – cela n’avait à chaque fois été que parce qu’il ne lui avait été laissé aucune autre alternative. Enfin du moment que sa propre vie n’était pas en danger, Feyrine pouvait bien passer outre les excès de zèle de son compagnon, surtout lorsque ce dernier lui ramenait tout un tas de bonnes choses à manger.

Toutefois ce dernier ne semblait pas enclin à lui offrir plus de délices tant que notre amie n’aurait pas pris la politesse de se présenter. Maintenant qu’il relevait la chose, il était vrai que Feyrine n’avait guère encore pris la peine de le faire. Bah pour toute la nourriture qui lui avait gracieusement fournie, notre petite féline pouvait bien répondre à sa demande. Feyrine prit alors le temps d’avaler ce qu’elle avait en bouche, un temps qui suffit à Stan pour lui demander en prime s’il était la première personne qu’elle rencontrait ici. Et si de ce fait, si elle venait d’arriver dans ce monde. Il n’y avait aucun doute sur ses intentions, il désirait en savoir plus sur sa personne, mais notre petite déesse n’avait pas spécialement envie de se livrer à lui. Il n’allait donc connaître que le minimum du minimum.

« Je m’appelle Feyrine, et non t’es pas le premier que je croise. »

Et voilà, réponse donnée, et bien que de nombreux détails pouvaient être donné, Feyrine avait décidé de les omettre volontairement. Cet homme n’avait après tout pas besoin de connaître toute sa vie, et puis mis à part sa rencontre avec Ato, le reste ne valait même pas qu’on s’y attarde. Bref, notre jeune amie avait repris son repas, et il avait fort à parier que les derniers présents offerts par Stan allaient avoir raison de son estomac et allaient enfin la combler pour un long moment. C’était que notre jeune camarade venait facilement de manger son propre poids en aliments, à croire que son corps assimilait rapidement tout ce qu’elle engouffrait. Il n’y avait que cela comme explication, vu que son petit ventre ne gagnait même pas des petites rondeurs et que notre camarade ne semblait nullement ballonnée. Et alors qu’elle touchait à la fin des mets qui lui avait été présentés, Feyrine finit par prendre l’initiative de lui poser une question.

« Au fait, tu m’as promis des nuits au chaud, où est-ce que tu comptes m’emmener ? »

Et oui, à présent que son estomac était satisfait, Feyrine était prête à passer à la suite. Mais attention à ce que la proposition de Stan lui convienne, car de nature forte capricieuse, il avait fort à parier que notre amie ne se contente pas de quelques choses de banal.

Visiblement Stan semblait bien connaître les environs, car à peine que Feyrine lui avait formulé sa demande qu’il y répondait déjà. Visiblement ces terres semblaient abriter une auberge des plus luxueuses qui soit, et c’était dans cette dernière que son grand bonhomme prévoyait de l’emmener. Notre petite féline avait déjà pu goûter à la richesse humaine, et si elle trouvait désuet tous leurs bijoux et argenteries, elle consentait à reconnaître le confort de leurs literies et la richesse de leurs plats. Bref sur ce point, les hommes savaient se montrer suffisamment doués pour être capables de contenter une féline aussi capricieuse que notre amie.

« Et tu as franchement intérêt à la tenir ta promesse. »

Oh que oui, car il était chose certaine que Feyrine ne lui pardonnerait pas la moindre déception. Et vu qu’à présent Stan s’était porté garant de tout cela devant elle, il en allait de son avenir de répondre à toutes les exigences de notre lionne caractérielle. C’était qu’elle avait déjà su bien en pourrir des vies, et nombreux regrettaient désormais de s’être montrés un jour contraire avec elle. Mais alors qu’elle le mettait en garde, Stan vint la surprendre de la manière la plus improbable qui soit. Ô grand jamais, Feyrine l’aurrait cru capable d’une telle prouesse, et cette dernière lui faisait désormais voir son compagnon sous un tout autre jour. Et c’était le cas de le dire car son apparence actuelle n’avait clairement plus rien à voir avec celle qu’il avait abordée quelques instants plus tôt.

« Mieux ? Ma foi, t’étais moche avant, mais à présent tu es… passable. »

Passable signifiait qu’à présent Stan donnait l’illusion d’avoir toujours appartenu à la même race furry que Feyrine. Son corps avait subi une transformation complète, il avait légèrement rapetissé et arboré une morphologie plus féline. Ses vêtements s’étaient évaporés, et sa peau s’était retrouvée couverte d’une dense fourrure noire parsemée par endroit de quelques taches blanches. Seule une queue nouvellement acquise semblait vouloir se démarquer du reste en affichant une teinte grisâtre. Feyrine ne pouvait s’empêcher de regarder d’un air entendu son nouveau corps, et après l’avoir ainsi évalué, notre camarade se décida à suivre son compagnon déjà en route. Ce dernier se retourna toutefois pour lui donner quelques précisions supplémentaires pour la suite.

« Ce que je veux ? Tout ce que je veux !? »

C’était bien là quelque chose à ne jamais dire à notre petite déesse, cette dernière pouvait lorsque l’humeur lui prenait forte espiègle et effrontée. Et ce, au point d’en formuler des demandes aussi farfelues qu’irréalisables, dangereuses ou humiliantes. Pleine de malices était notre charmante créature, dès lors savoir mesurer ses mots équivalait à s’éviter bien des désagréments et bien des caprices. Mais pour le moment c’était avec bonne volonté que Feyrine suivait son congénère félin. Elle ignorait pour combien de temps ils avaient avant d’atteindre la dite auberge, et espérait grandement que la route ne soit pas trop longue.