- « Où suis-je ? »

Le silence me fit écho, pas de vent, un temps gris mais sans pluie. Tout autour de moi d'énormes colonnes de béton et de métaux me surplombant de leur immensité. Ville fantôme et figée par le temps, il ne me faut que peu de temps pour comprendre que ce qui m'entoure ne sont que des ruines de ce qui avait dû être une ville plein de vie.

Je rejetais un vague coup d’œil à mes pieds, sur la route goudronnée où j'avais eu le malheur d’atterrir se trouvait une sorte de faille. Je me baissais, essayant de repasser ma main au travers, mais rien n'y faisait, visiblement aucun retour n'était possible, du moins pas comme cela. Je fis une légère grimace en me relevant, balayant de mon regard bleu les vitres brisées des fenêtres dans l'espoir de, peut être, trouver une autre personne en ce lieu. Je mettais mes mains devant ma bouche afin de crier dedans comme dans un mégaphone.

- « Il y a quelqu'un ?! »

Une fois encore ma voix ne trouvait comme réponse que le silence, je laissais retomber mes bras le long de mon corps. Peut être les gens de ce lieux se cachaient ils ? Je fermais les yeux me concentrant sur mon pouvoir, essayant de localiser des âmes dans les mètres alentours. Mon pouvoir me demanda étonnamment plus de concentration et d'énergie que prévu, je fronçais les sourcils sous l'effort. Mon « radar » d'âmes ne pu percevoir au delà d'une vingtaine de mètres, mais là encore pas de réponse, j'étais seule. J'ouvrais de nouveau mes paupières dans un soupir, alors c'était ainsi que tout ce terminait ?

Je décidais de marcher, autant pour éviter de rester sur place que pour occuper mon corps le temps de ma réflexion. Était-ce le paradis ? L'enfer ? Était-ce en ce lieu que terminaient les âmes des morts ? Il m'était déjà arrivée de poser la question à quelques défunts au sujet de « l'autre monde » mais à chaque fois ils restaient muets. Certains prétendaient qu'ils ne pouvaient pas m'en dire plus à ce sujet, que c'était simplement en y entrant que je comprendrais ce qu'il en retournait.

Je me décalais sur le trottoir usé, reprenant mes habitudes de piétonne malgré l'état de la ville fantôme. Était-ce le futur ? Le vortex que j'aurais par mégarde traversé m'aurait il projeté dans un futur apocalyptique de la ville où j'habite ? Peu probable, je ne reconnaissais rien de ce que je voyais, de ce que mes pupilles brillantes pouvaient voir il n'y avait aucun point commun avec la ville dans laquelle j'ai vécu quelques temps, c'était perceptible même vu l'état désastreux des bâtiments et de tout les décombres qui m'entourais.

Je poussais un nouveau soupir. Je balayais une nouvelle fois le décor qui m’entoure d'un air las et déprimé. Un peu plus loin je voyais un bout de béton sans doute tombé de l'immeuble à côté, je décidais de me poser dessus, m'installant aussi confortablement que possible sur cette matière lisse qui proposait une surface légèrement oblique. Je pliais mes jambes, mes cuisses remontées jusqu'à ma poitrine, les bras croisés comme pour empêcher mes genoux de se remettre tendus.Je posais mon menton derrière mes genoux, fixant sans but avec un regard vide la scène morose et presque figée dans le temps qui se déroulait sous mes yeux.

En fait c'était sans doute pour le mieux, un monstre qui meurt seul, là où il ne pourra blesser personne, c'était un bon endroit pour laisser mourir une immondice telle que moi, si je n'étais pas déjà morte. Cela faisait déjà un moment que je n'avais plus à « la » supporter, et là également c'était pour le mieux, mais étrangement je doutais que ce soit pour longtemps. Mon radar interne me disais qu'une nouvelle âme était dans les parages, où ? Qu'importe, non pas que je ne pouvais pas le savoir en me concentrant, mais cela n'avais juste plus grande importance, j'espérais juste que cette personne ne me croise pas, à moins que ce ne soit la faucheuse pour m'annoncer la fin de mon existence dans le monde des vivants.

- J'imagine que tu es nouvelle ici. Tu ne devrais pas rester ici, c'est dangereux si tu ne sais pas à quoi t'attendre.

Mes pupilles bleus se déplacèrent, se tournant un peu vers la voix d'une lenteur presque maladive. Je ne pouvais pas voir ma locutrice sans tourner la tête, ce je ne fis pas. C'était simplement pour moi un moyen de me dire à moi même que j'avais réagis à cette interpellation. Cet endroit, dangereux ? Tant mieux, de toute façon je ne voulais qu'une chose à ce stade, en finir vite.

Et étrangement il m'étais plus simple de me voir mourir des mains quelqu'un ou de quelque chose et non par un suicide. La lâcheté sans doute, il est toujours plus facile de laisser le sale boulot aux autres et à ce niveau là j'étais une lâche qui s'affirmait en tant que telle. Voyant mon manque de réaction, ma locutrice au visage inconnu décida de reprendre la parole.

- Je m’appelle Ruby et tu es ? Ne t'inquiètes pas, tu n'es pas dans un quelconque paradis ou enfer, bien que cela peut y ressembler. Tu as juste été transporté dans un autre monde par une entité supérieur. Je suis ici depuis 5 ans déjà, tu peux me faire confiance.

Je relevais mon visage vers le ciel, décroissant les bras pour m'en servir comme deux soutien derrière mon dos afin de ne pas tomber. Et surtout je me mis à rire, un rire nerveux qui n'avait pas grand chose à faire là mais qui venait tout de même emplir ma gorge et bientôt une partie de la rue. Cela dura quelques secondes avant que je ne reprenne un visage neutre, voir triste, mon regard d'un bleu azur toujours couvert par ce voile de mélancolie. Je pris une forte inspiration, expirant bruyamment l'air qui venait de remplir mes poumons.

- « Qui je suis ? Un monstre, une abomination, un être qui n'aurais jamais du voir le jour, un enfant qui n'aurais pas du naître. Je te laisse le choix parmi tout cela, mon nom en tant que tel n'a pas grande importance. D'ailleurs si jamais tu croise ton « être supérieur », dit lui qu'il s'est trompé, il n'a pas du prendre la bonne personne... »

Je fixais le ciel toujours morose, mes pupilles se perdant dans cet étendu presque uni, dégradé naturel des différentes teintes du gris.

- « Tu es là depuis cinq ans... que c'est court... »

Cinq ans, c'était à peine un peu moins que le temps que j'avais pu passer avec ma mère, soit trop peu. Sept années étaient passées si vite, alors cinq ans n'était qu'un battement d'aile à l'échelle de la vie. Je tourne enfin ma tête vers mon interlocutrice. Je rougissais (du moins autant que possible) un peu surprise en admirant la jeune femme devant moi.Admirer, le verbe était bon, enfin non, je la dévorais du regard plutôt.

Une femme a la sculpture fine et dessinée, des pupilles symbolisant la pureté. Ses cheveux noirs aux reflets rouges encadraient bien son visage doux , je restais bloquée un instant sur ses petites lèvres avant de jeter un œil sur le reste de son corps. Une tenue simple composée essentiellement d'une sorte de robe, d'un corset et de collants. Les formes aux courbes alléchantes de la jeune femmes l'auraient sans doute réveillées, et sans doute qu'« elle » m'aurais faite craquer, mais elle n'était pas là pour me murmurer des désirs obscènes dans ma tête.

Je reprenais donc rapidement consistance, évitant simplement l'impression de baver comme une idiote sur la magnifique femme qui restait devant moi à me fixer de ses étranges yeux blancs. Je tournais mes pupilles brillantes vers l'arme de la demoiselle, une énorme faux, pile ce qu'il fallait. Je me redressais sur mes deux jambes. D'un bond je descends du morceau de béton sur lequel j'étais afin de m'approcher de la jeune femme, d'un vif coup d’œil je lui indiquait son arme.

- « J'attendais la faucheuse, visiblement je ne me suis trompée qu'à moitié. Tu as une belle arme, que dirais tu de faire ta bonne action de la journée en mettant fin à la vie d'une immondice ? Pour toi c'est juste une tête à trancher, pour moi ce sera la fin de ma souffrance et de ma vie contre nature, le tout sous les mains d'une magnifique créature. »

Je m'approchais de l'arme, me penchant un peu afin d'avoir la pointe de sa lame juste à côté de mon cou.

- « Un simple mouvement du poignet, rien de bien compliqué en soit. Merci par avance, je ne risque pas vraiment de pouvoir le faire par la suite. »

Je plongeais une dernière fois mon regard dans le sien, bientôt tout sera terminé, juste quelques secondes et ma vie de monstre ne sera qu'un passé révolu et je pourrais enfin rejoindre les âmes que j'ai utilisé jusque maintenant afin qu'ils règlent leurs comptes avec moi une bonne fois pour toute.

Sa réaction fut bien loin de ce que j'espérais. Alors que je voyais la lame chuter en arrière en même temps que le reste de l'arme, basculant vers le sol, la jeune femme qui s'était présentée sous le nom de Ruby décida de m'enlacer.

Je me retrouvais troublée entre ses bras, rougissant de plus belle sous le contact de la jeune demoiselle qui se permettait un geste très familier alors que nous rencontrions à peine. Je ne savais que dire, respirant à plein poumons l'odeur de la demoiselle, sans doute pas un parfum, mais juste une légère fragrance naturelle qu'elle avait dû garder sur elle. Je pouvais également sentir sa poitrine sur la mienne, son cœur battre lentement au contraire de mon sang qui commençait à palpiter.

- « Je...euh...je... »

Je restais raide comme un piquet, les bras figés en l'air, ne sachant que faire pour répondre à ce geste presque intime. Il m'était rarement arrivé d'avoir de vrais contacts physiques avec les gens, au mieux des poignées de mains, et il était vrai que de se retrouver ainsi corps contre corps avec la belle demoiselle était plus que déboussolant.

- Peu importe le nom que tu te donnes et ce que tu dis avoir vécu. Moi je vois seulement une jeune femme qui appelle à l'aide. Il aurait été simple de t'écouter mais je préfère te voir sourire plutôt que la tête tranchée, qu'importe la personne que tu peux être.

Je baissais les yeux, me corps se détendant un peu, mon regard de nouveau recouvert de ce voile de mélancolie. Une simple femme ? Si seulement... et si j'avais besoin d'aide, il était impossible de me sauver, car j'étais le propre danger de ma détresse. Elle finit par me délaisser de sa chaleur corporelle qui n'étais pourtant pas de trop, elle enchaîna pour continuer de me rassurer.

- Je ne te connais pas. Mais je suis sur que cet être divin ne t'as pas amené ici par hasard. Ici, tu peux recommencer à zéro, devenir ce que tu as toujours souhaité être. Et si tu n'as pas la force pour te relever seule, alors puise tous ce dont tu as besoin en moi. Je ne t'abandonnerais pas !

Je gardais mes yeux baissés, je reculais d'un pas, me tenant les bras toujours de mon air morose.

- « Peut-être qu'il m'a amené ici pour se moquer de moi, m'humilier... »

Je poussais un léger soupir, serrant encore plus fort mes bras de mes doigts, le regard perdu dans le vague.

- « Je ne peux pas reprendre de zéro... je ne peux pas devenir ce que je souhaite, je suis moi... un monstre... rien de plus... et rien ne pourra jamais changer ça... »

Je restais très mal à l'aise, cette attitude, celle de vouloir aider les autres, de donner sa force à ceux qui en ont besoin... Je pinçais brièvement mes lèvres entre mes dents, repenser à mon père me rendais un peu... un peu... En fait le sentiment qui ce dégageait n'était pas clair, de la rancœur ? De la tristesse ? De la culpabilité ? Un peu de tout ça, mais surtout je me sentais mal de l'avoir laissé derrière moi avec une simple lettre de suicide... J'avais tout fait sur le tas, ce qui ne m'aurais pas gênée si ma vie c'était arrêté  lors de mon saut. Mais maintenant avec le recul je ne pouvais qu'imaginer la réaction de mon père lisant la lettre écrite de mes mains.

« S'il t'arrivait quelque chose je ne pourrais plus voir ta mère en face, tu nous est trop précieuse pour que je puisse me permettre de te perdre. »

La phrase de mon père venait faire écho à mes pensées, rendant le tout encore plus douloureux. Et maman ? Est-ce que du coup elle avait eu vent de tout cela ? Savoir que je devais vivre avec l'idée de laisser ma famille souffrir était bien plus contraignant vu avec le recul.

La raison de mon acte, toutefois, revenait également dans ma tête, j'avais fait ça pour éviter des catastrophe, pour éloigner à jamais le danger incontrôlable que j'étais, éviter de blesser des innocents dans le souffle de l'explosion de la bombe à retardement que j'étais. Je redressais vaguement mes yeux clairs pour les plonger timidement dans ceux de Ruby.

- « Je suis née en tant qu'abomination, changer de monde n'y changera rien... c'est un fait... »

Je la vois prendre un petit temps de réflexion. Elle décida finalement de continuer de me faire entendre raison, elle ne connaissait rien de moi mais voulait vraiment m'aider. Cette manière était tellement... semblable à celle de mon père, désintéressée, tellement... humaine.

- Tout ce que je peux te dire, c'est qu'innocent ou monstre sont jetés aux mêmes sort ici. Si tu culpabilises tellement, alors ne demande pas à la mort de régler tes remords pour toi. Rachètes toi ! Je fais parti d'une sorte de faction entre autre qu'on nomme les Gardiens, on essaye de préserver la paix là ou le chaos règne. On sauve des vies sans rien en retour. Rejoins nous, rejoins moi, et payes tes fautes en consacrant ta vie aux autres.

C'était peut être idiot mais... c'était tellement proche de ce qu'aurait fait, aurait dit mon père, cela ne pouvait être une coïncidence. J'eus un léger sourire qui s'effaça certes vite mais ampli d'un brin de bonheur dans cette immensité sombre de mon cœur. En fait c'était peu être pour ça qu'Infinity m'avais amené ici, afin de rejoindre une cause, un groupe tel que celui de mon père. Groupe qui m'avais été fermé par ce dernier sous le simple prétexte de vouloir m'éloigner du danger, même si je m'étais rendue compte à mes dépends que le véritable danger, c'était moi.

- Si tu as peur de ce que tu es, je serais là pour te surveiller. Puis... J'aimerais beaucoup te connaître davantage d'un point de vue plus... personnel ? Un cadavre, ça parle pas beaucoup en fait.

Cette fois je ne pouvais refréner le léger sourire naissant sur mes lèvre, fixant la main légère et blanche de mon interlocutrice attraper la mienne. Je profitais de ce petit contacte pour caresser son membre dextre de mon pouce. Je voulais juste y croire, une part de moi le voulait, rejoindre un groupe aux motivations qu'elle appréciait, en compagnie d'une ravissante jeune femme à l'esprit juste, franc et surtout protecteur. Je voulais juste croire qu'elle puisse réellement surveiller la bombe à retardement que j'étais. Je le savais également mais une part de moi voulait également voir ce que la magnifique créature voulait entendre par un point de vue plus personnel, cela ne me gênerais pas de rester un peu plus longtemps en sa compagnie.

- Tous cela ne tiens qu'à toi. Mais laisse moi une chance de te prouver que tu es bien mieux que ce que tu dis être. Plus que moi, laisse toi aussi une chance de te racheter.

Elle fixait maintenant l'horizon, je relevais de nouveau mon regard.

- « ...un essai alors, mais avant je voudrais que ma situation te soit un peu plus claire... ferme les yeux et fait moi confiance. »

Je voulais simplement lui donner un aperçu de ce que je voulais dire par le fait que j'étais un monstre. Je fermais moi même mes paupières. Je commençais à créer un lien entre nos âme, le contact physique entre nous était suffisant pour me le permettre. Nos émotions, sentiments, pensées, tous cela étaient disponibles en temps réel. Elle pouvait couper ce lien à tout moment, peut être était elle un peu confuse, mais je devais lui montrer des images de ma mémoire. Je remonte à des souvenirs datant de quelques heurs à peine.

Un homme qui me tiens à sa merci, j'élude de mon esprit consciemment le gros du combat. Je « la » lui montre, son intervention que je ne contrôle pas. Ruby peut alors voir mon double se moquer avec arrogance et sadisme d'une proie qui ne peut se défendre, bloquée sous mon épée. Mon autre moi qui se sait de couteaux pour les lancer dans le malheureux qui ne peut que subir sans pouvoir rien y faire. Je voulais éviter de montrer la scène qui suit mais mon esprit avait du mal à le faire, aussi tout ce déroula à mon insu, un peu comme lorsque l'on se force à ne pas penser à quelque chose et que l'on ne peut qu'y penser.

Mon autre « moi » attrapant... l'entre-jambe de mon agresseur afin de le stimuler pour pouvoir jouer un peu avec lui dans son envie lubrique. C'est à ce moment que tout bascule, j'arrive à reprendre le contrôle, fusionnant mon âme avec celles de cinq défunts, un pouvoir que je n'avais jusqu'alors pas tenté de produire. Le images de la scène se visionne avec une incroyable netteté contrairement aux précédente, floues par la confusion du moment passé. Cette fois la vision est claire et l'impide, je me regarde, m'admire, mon corps d'un bleu luisant comme une luciole, la sensation de pouvoir infini entre mes doigts, de liberté, d'un second souffle qui perce mes poumons dans un flot de sensations inédites.

La suite s'enchaîne, mon adversaire se relève d'un bon, l'un des couteaux que « je » lui avait lancé brandit vers moi pour me percer. Dans une sorte de slow motion étrange, je me vois réagir avec un réflexe qui semble des plus étrange au ralenti. D'un revers de l main je désir juste écarter son bras vers le côté pour éviter de me faire empaler, mais le résultat est tout autre. Je vois le bras de l'homme s'arracher avec une bonne partie de son torse. Le temps reprend son cours, le bras traverse la pièce à toute allure, rebondissant sur le mur opposé, le corps tombe lourdement alors la tête rebondi avant de rouler à mes pieds.

Choquée par la mort de l'individu ? Non, nullement, la mort ne me fait pas peur, ce dont j'avais peur à ce moment, et maintenant aussi d'ailleurs, c'est de ce pouvoir capable non seulement de détruire ce que je veux, mais aussi assez incontrôlable pour anéantir ce que je veux protéger.

Les images continues de défiler, moi qui essais de me calmer, j'y arrive, désactivant tant bien que mal mon pouvoir, alors que mon corps revient à la normal cinq esprits se trouvent devant moi puis chacun leur tour dans un premier temps pour finir ensemble dans un deuxième, chacun plante ses griffes, ses dents dans ma chair. Ils me meurtrissent, cherchant réparation dans et satisfaction dans ma souffrance, me faisant comprendre par ce contre coup à quel point ce pouvoir ne devait juste pas exister et à quel point seul un monstre pouvait le déployer...moi.

Les esprits me laissent avec mes doutes et mes larmes, mon autre « moi » était toujours présente à ce moment là, et je savais que si « elle » reprenait le contrôle, je n'aurais d'autre choix que d'utiliser de nouveau ce pouvoir pour l'arrêter de force si elle allait trop loin... et ainsi risquer de blesser ceux qui m'entourent avec ce surplus de pouvoir qui n'avait pas lieu d'être.

Je désactivais finalement le lien, brisant les images d'une femme couverte de blessures, recroquevillée sur elle même dans une pièce en train de pleurer. J'ouvre lentement mes paupières pour fixer Ruby, je voulais jouer franc jeu avec elle, c'était fait.

- « Veut tu toujours te porter garante du monstre que je suis ? »

A mes mots elle décida de répondre une nouvelle fois par un contact physique. Ce corps à corps était loin d'être désagréable et je gouttais cette fois avec un peu plus de gratitude à son geste. Je décidais à mon tour de renforcer cette étreinte, un bras derrière son dos et l'autre derrière son bas-dos. Je ressentais une fois de plus cette rassurante chaleur humaine à laquelle je ne gouttais plus depuis longtemps. Ruby profita de ce rapprochement pour me murmurer à l'oreille.

- J'avais raison, tu n'es pas un monstre. Juste une victime dans tous ça. Victime d'une personne qui n'est pas toi mais qui en prend l'apparence physique.

C'était réellement touchant de sa part de vouloir me dédouaner de ce qu'il s'était passé, mais le problème restait tout de même là, si jamais « elle » revenait pour prendre le dessus, « elle » blesserait des gens et la faute ne sera dû qu'à ma propre impuissance. Et mon pouvoir, contrôlé par moi ou par elle, restait du domaine de l'abomination. Elle continuait de me rassurer de sa voix douce et calme, je me sentais comme revenu en arrière, soutenu par ma mère aujourd'hui loin de moi, et c'était un sentiment qui me réchauffais encore plus que ce contact intime avec Ruby.

- Je serais là pour chasser tes démons qui t'habitent. Crois moi ! Puis, sans me vanter, je suis loin d'être faible dans le genre.

- « Si tu le dis. »

Elle se mit à rire, une expression franche d'un sentiment rafraîchissant pour me cœur meurtri. Je me sentais bien en cet instant, cela allait il durer ? Peu probable, mais pour le moment je préférais laisser cela de côté, profitant de l'instant présent tant qu'il était toujours aussi beau.

- Néanmoins, je connais toujours pas ton nom. Et je ne lâcherais pas mon étreinte tant que je ne le connaitrais pas !

Je souris, cette fois ce fut franc, j'étais réellement amusée par sa phrase.

- « Dit comme ça, ça me donne envie de rester une parfaite inconnue. »

Je desserrais légèrement mon étreinte afin de pouvoir plonger mon regard d'un bleu brillant et surnaturel dans celui tout aussi sublime et surprenant de mon interlocutrice.

- « Isha Kaelis, c'est mon nom. »

J'étais si prêt d'elle, je ne voyais que son doux visage, mais mon corps pouvait deviner la structure même du sien. Je m'arrêtais un moment sur ses lèvres, j'approchais un peu mon visage du sien, à ce niveau je n'avais qu'une envie, l'embrasser. Mais je m'arrêtais avant que le contact ne se fasse, arborant par la suite un léger sourire, je ne pouvais me permettre ce geste, je ne voulais pas briser ce moment, et surtout je ne voulais pas me laisser tomber dans la même lubricité qu'« elle ».